mercredi 21 décembre 2011

Mordred, l'enfant victime

Mordred.... Il est certainement le personnage le plus mal-aimé du cycle arthurien: Le tueur machiavélique du Roi Lumineux.

Mais comment lui reprocher ses actes? 

The Book of Mordred de Vivian Vande Velde

Je ne l'ai jamais particulièrement aimé. Trop noir, trop sournois, trop fou... J'ai été étonnée de voir qu'il s'était imposé à moi. Depuis deux ou trois jours, je pense beaucoup à lui et, plus les heures s'égrènent plus  mon regard change sur ce personnage. Passant d'un assassin sans vergogne à une victime. C'est ce qu'il est en définitive: une victime. Comment reprocher à un couteau d'avoir tué un homme? N'est-ce pas plutôt l'assassin qu'il faut blâmer?

Mordred est né d'une relation incestueuse entre un frère et une soeur qui ne se connaissaient plus, poussés dans les bras l'un de l'autre lors de la fête du Grand Mariage, par une raison d'"état" commandée par Merlin et Viviane. Il est donc devenu un enfant sans père qui ne connaissait même pas son existence et rejeté par une mère qui devait voir en lui la personnification de la trahison de Viviane pour servir la Religion et le rappel d'une relation qui n'aurait jamais dû exister. Alors, laissé au bord du chemin par ses parents, il s'est rapproché de la seule personne qui lui témoignait de l'intérêt. Comble de malchance pour l'enfant, cette personne fut Morgause: la noire et ignoble Morgause; plus préoccupée par l'avantage qu'elle pouvait tirer de la situation que par l'enfant en lui-même. 

Elle le prit sous son aile, le consola, le cajola, l'amadoua, l'instruisant patiemment pour qu'il devienne un jour l'instrument de la chute d'Arthur.

Photographie tirée du film Les Brumes d'Avalon

Mordred est, bien malgré lui, le cheval de Troie de la légende. Dès son plus jeune âge, il fût enfermé dans une bulle où Morgause était sa seule référence, la seule figure maternelle. Elle entretint sa haine envers ses géniteurs: un père incestueux, une mère dédaigneuse... Et Morgause? Ah, Morgause! La seule, la vraie mère aimante! La seule qui l'ait aimé! Mais l'a-t-elle seulement aimé un jour? Surement que oui mais le besoin viscéral de revanche devait être bien plus fort, alors l'instrument de mort grandit patiemment...

Tout compte fait, Mordred n'est rien d'autre que l'antithèse d'Arthur: le mal contre-balançant le bien, l'ombre face à la lumière, la justice s'opposant à la vengeance. Comme le dit si bien Viviane dans les Brumes d'Avalon: "Tout est équilibre." Mordred équilibre Arthur ou plutôt l'image que renvoie la légende. Il fait paraitre le Roi comme un être encore plus lumineux, plus parfait en comparaison de la noirceur de cette âme.

Mordrerd est aussi une magnifique représentation du Dieu Houx, tuant le Dieu Chêne pour lui prendre sa place. Sauf qu'ici, le Chêne et le Houx succombent tous deux dans la bataille de l'équilibre universel. 

Ou alors, Mordred n'est que l'instrument du changement... Il permet d'amorcer un nouveau cycle: celui de l'âge sombre des invasions, d'une société plongeant dans les abimes de ce que l'homme a de pire et ce, afin que l'homme puisse faire son introspection pour préparer un nouvel âge d'or... Il est l'élément qui déclenche le basculement dans la roue de la vie.

Auteur inconnu

Voilà la question: Mordred est-il réellement mauvais?
Pour moi, il ne l'est pas, il ne l'est plus! Dans la ronde des vies, il est celui qui permet, en définitive, le mouvement, l'évolution dans le noir, la marche de la vie dans l'obscurité. Il a été nécessaire au Royaume, comme aux hommes. Il nous apprend que tous les choix que nous faisons ont des conséquences et que la perfidie déguisée de certaines personnes nous voulant, en apparence, du bien, peut nous pousser aux pires méfaits, qu'il ne faut pas être dupe et, ainsi, ne pas devenir un vulgaire instrument dans les mains d'autrui.

Il nous montre que nous pouvons tous devenir un patin, un objet de discorde si nous ne nous entourons pas des bonnes personnes. 
Comme Mordred, nos actions seront gratifiées de malédictions ou de bénédictions, nous sommes libres de nos choix et nous ne pourrons pas dire: "on m'a dit d'agir ainsi."


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